Être "au parfum", c'est avoir connaissance de quelque chose. Cet article, succinct, va vous y mettre ... au parfum.
Georges Muchery (1892 - 1981) fut le premier astrologue et occultiste à publier un ouvrage très complet sur les correspondances des parfums avec les signes du zodiaque et les planètes. Sa proposition est de définir la formule d'une forme olfactive en relation avec les influences astrales représentées sur un thème de naissance.
L'idée princeps est de s'auréoler de ces matières subtiles que sont les molécules olfactives pour influencer favorablement le tempérament. Nous savons aujourd'hui que les effluves aromatiques des huiles essentielles ont des effets sur le psychisme, et donc sur le tempérament.
Une recherche de tempérance
Ce mot, tempérament, sonne dans son radical comme celui de la quatorzième lame du Tarot de Marseille, TEMPÉRANCE.
Pour Georges Muchery, il semble s'agir de tempérer le tempérament, de nourrir ce qui en a besoin et d'atténuer ce qui est en excès, de sorte à trouver ou retrouver un certain équilibre. D'aucuns parlent d' alignement.
Une acception ancienne dans le domaine médical définit le tempérament comme l' "Ensemble de particularités organiques qui caractérisent l'équilibre physiologique d'un individu". Plus ancienne encore : "Composition équilibrée d'un corps". Mieux encore et depuis 1989 : "Ensemble formé par la complexion du sujet et son retentissement sur le caractère; partie du psychisme en rapport avec la structure corporelle, avec la constitution de l'organisme par l'intermédiaire des modifications humorales et des réactions du système neuro-végétatif".
Reste peut-être ce terme, "complexion" pouvant paraître hermétique ; il s'agit de "Constitution, tempérament", ce qui renvoie en fait à une définition datant du début du XVIe siècle.
Parfums magiques
Il y a donc de la magie dans le parfum. Une pratique médicinale alternative, l'olfactothérapie, est en train de se développer aux côtés de tant d'autres qui travaillent avec le toucher (digitopuncture, shiatsu, massages divers), avec la vision intra-sensorielle (visualisation, rêve éveillé), l'audition (battements binauraux, musicothérapie, autres méthodes audio-phoniques).
Ici, c'est l'olfaction qui est le canal sensoriel privilégié. Les centres nerveux en rapport avec l'olfaction le sont avec ceux qui supportent la mémoire à long terme et celle dite de travail, qu'il s'agisse de cognitions auditives, visuelles ou tactiles. Les odeurs dans leur grande généralité sont de nature à provoquer des réminiscences voire des faits vécus dans le passé lointain.
Le pouvoir des parfums peut être utilisé dans deux objectifs :
- stimuler les facultés d'alignement et d'équilibration du tempérament
- accéder à des représentations inconscientes impliquées dans des conflits psychiques en vue de les liquider moyennant un accompagnement psychologique
C'est surtout le premier point qui nous intéresse ici, à charge de développer le second dans un autre article.
"Quand une odeur vient exciter les nombreux rameaux de nos muqueuses olfactives, elle éveille en nous des réflexes qui agissent sur nos activités organiques végétatives et automatiques, sur notre subconscience, sur nos sentiments, sur nos émotions et sur nos passions."
(Georges Muchery, "Magie astrale des parfums")
L'idée de G. Muchery consiste aussi dans celle qu'un parfum ne peut être choisi seulement parce qu'il paraît plaisant et flatte notre sens. Un parfum et son essence doivent être en correspondance (magique) avec notre "astralité", c'est à dire avec des vibrations et des résonances qui émanent de dimensions cosmiques et/ou parallèles avec lesquelles nous sommes en résonance et dont nous captons les signaux qui en proviennent ainsi que les réverbérations qui nous en sont réémises. C'est à cette condition que les conduites appropriées à nos besoins fondamentaux vont s'accorder avec ceux-ci et amener un mieux-être dont va bénéficier notre destin et surtout peut-être, le sens que nos donnons à l'idée que nous nous faisons du "bonheur".
"N'est pas bon tout ce que l'on aime, mais comme il est difficile, parfois, d'aimer ce qui est bon."
(Georges Muchery)
La question du déterminisme
L'approche déterministe de G. Muchery peut susciter un inconfort intellectuel voire une polémique philosophique, scientifique évidemment aussi ; les débats et élucubrations diverses nés du paradigme quantique en physique sont un fait en la matière.
De déterminations, songeons seulement à celles parfois pénibles auxquelles nous exposent certaines particularités de nos ADN respectifs, de celles aussi dont S. Freud nous a révélé les contraintes et les effets de rémanence inducteurs de névrose, qui contreviennent à notre sentiment de bien-être et d'accomplissement personnel, formés par certains de nos mécanismes de défense psychique dont le fonctionnement, plus ou moins heureux, nous amène à refouler des choses que nous refusons de regarder en face.
Les thérapies cognitives et comportementales comme applications des connaissances en psychologie, visent la liquidation de notre rapport à des représentations mentales, issues de notre vécu personnel qui affectent considérablement l'idée, la représentation que nous nous faisons de la satisfaction de nos besoins et nos désirs.
L'odorat, un sens mystérieux et effacé
Les mots qui servent à désigner ce que nous percevons par l'odorat sont assez divers et souvent très connotés. Le mot même d' "odeur" peut évoquer quelque chose de suspect et potentiellement répulsif. Tous ces termes peuvent être catégorisés selon deux variables, chacune possédant trois modalités (ou l'inverse !).
"ODEUR" | faible | modérée | intense |
agréable (plaisir) | A | C | E |
désagréable (aversion) | B | D | F |
Dans quelles cases classeriez-vous les synonymes suivants ?
SENTEUR - FUMET - EFFLUVE - ARÔME - EXHALAISON - ÉMANATION - RELENT - EMPYREUME - PARFUM - HALEINE - FRAGRANCE - REMUGLE - EFFLUENCE - PÉTRICHOR - PUANTEUR - VENT
La senteur évoque une odeur particulière, le plus souvent agréable ou surprenante ; le mot est plutôt porteur d'une connotation positive. Le remugle est un relent de puanteur, vous savez, celui des toilettes peu entretenues (allez, disons dégueulasses !) d'un camping de classe inférieure dont les miasmes se signalent en nous envahissant de répulsion. Si l'exhalaison est plus volontiers employée dans un sens positif, il peut en aller de même pour le pétrichor, c'est à dire cette odeur souvent éprouvée comme agréable qui se dégage de la terre après la pluie et que l'arôme du patchouli peut nous évoquer.
Quant à cette odeur de patchouli, dans quelle case du tableau la classeriez-vous ? Probablement là où d'autres ne la placeraient sans doute pas ! Les arômes essentiels des végétaux suscitent des plaisirs très inégaux.
Mon père qui fut un militaire pour lequel les hippies des années 1960 étaient des contre-modèles, détestait l'odeur du patchouli qui encensait l'ambiance de ces années de révolution culturelle ; autant dire que les effluves de cette plante originaire de Malaisie et d'Indonésie réveillaient en lui une aversion voire une hostilité à l'égard d'une jeunesse libertaire et révoltée qui faisait de cette odeur si particulière un emblème de son appartenance à une classe en révolte.
L'odeur, un marqueur social
C'est en 1966 que l' "Eau Sauvage" d'Edmond Roudnitska fut lancée. Parfum que d'aucuns diraient "intemporel", une valeur sûre", qui séduisit et séduit encore des hommes qui se veulent élégants et virils. Ce parfum est donné pour être un parfum masculin, d'autres le sont pour plaire aux femmes. La même année, la maison Guy Laroche lançait le très féminin "Fidji" de Joséphine Catapano.
Notre olfaction, pour délaissée et oubliée qu'elle soit, reste un marqueur de genre et ce malgré l'apparition de nouveaux parfums qui se veulent "unisex" ou "mixtes". De ces derniers, la nature même des matières entrant dans la formule ne saurait valoriser les caractères "féminins" ou "masculins" du moment que notre rapport au "genre" est en constante évolution depuis précisément la révolution culturelle des années 60.
Familles olfactives VS standards de "genre"
Le rapport au genre s'est longtemps imposé comme critère de catégorisation et de choix d'un parfum. Les familles olfactives proposent des déclinaisons plus subtiles.
Le "floral" peut d'emblée être perçu et reconnu comme féminin. Intégré à un parfum que l'on voudrait destiné à une clientèle masculine, il peut alors désigner une masculinité émancipée de standards culturels qui soulignent la pertinence du "frais" et de l' "aromatique" pour évoquer la virilité ; virilité néanmoins confinée dans une représentation machiste et patriarchale.
L' "Anarchiste" de la maison Caron (2000) reste peut-être une forme ultra-masculine du fait de matières nobles appartenant aux familles "cuir" et "vert", sauf que les associations savamment dosées de fragrances vertes et mentholées avec celles plus florales de fleur d'oranger, montées sur un coeur de santal des Indes, de vétiver, et un fond de bois de cèdre semblent vouloir jouer avec des dissonances jusqu'alors inexplorées, pour exhaler une identité dissidente voire marginale.
Si le "frais" et l' "hespéridé" (souvent zestes d'agrumes) rime avec masculinité, ce n'est pas nécessairement avec virilité ; nombre de parfums féminins aux accents printaniers en font usage. Le côté très "poudré" de la racine d'iris et très "floral" aux confins de l'animalité du jasmin, les relents d'humus de la violette (ionone), font des parfums étranges et décalés signant un dandy à la sexualité incertaine.
"Vent vert" de la maison Balmain (1947) lança un parfum féminin dont la fraîcheur vive, incisive, presque violente, portée par le galbanum, trancha soudain avec un féminin d'avant-guerre "poudré", floral ou "chypré". Quant au "boisé" que prodiguent des matières comme certaines résines, le cyprès, le bois de cèdre, le bois de gaiac, initialement perçu comme plutôt masculin s'est progressivement intégré à des compositions mixtes et féminines.
Trouver "son" parfum
Ce fut le travail de G. Muchery de nous guider dans le choix d'un parfum et d'en faire un véritable talisman. Il le fit en référence à une tradition astrologique et magique, vissée sur des concepts hippocratiques portant sur les humeurs et la formation par celles-ci du tempérament de tout un chacun, selon ce que le thème de naissance d'une personne peut révéler au praticien averti. Dans son discours, reviennent évidemment les notions, de chaud, sec, humide, froid. Il fait référence aux "humeurs" qui font les tempéraments bilieux, mélancolique, lymphatique ou sanguin.
Connaître son tempérament peut se faire autrement que par l'astrologie. L'introspection est un moyen certainement au moins aussi sûr pour se guider dans le choix des matières odorantes qui fonctionneront comme des signaux inducteurs pour nous faire emprunter les chemins conduisant vers le bonheur.
À cet égard, la description que G. Muchery donne de plusieurs de ces composants aromatiques reste une base, de mon point de vue, très solide.
Quelques exemples inspirés par "Magie astrale des parfums"
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