J'avais atteint 18 étés lorsque je me suis converti au paganisme. Il me semble aujourd'hui qu'alors je ne m'en suis pas vraiment rendu compte. Je savais presque seulement que la religion dans laquelle mes parents m'avaient introduit par le baptême - le christianisme - était comme une chape plombée sous laquelle je demeurais hanté par les fantômes de martyres et les peurs de l'enfer. Si jeune encore, mû par l'intense désir de m'évader de ce que je ressentais comme un univers pénétré de remugles moisis sortis de catacombes habités des rictus de crânes à moitié oubliés, je décidai, enfin, de devenir apostat, sans pour autant bien comprendre le sens de ce mot. C'est la sorcellerie qui fut mon premier habitus spirituel ; j'épousai le regard du proscrit en révolte contre le dieu des chrétiens.
Le temps est passé et aujourd'hui, je regarde en arrière et je fais le point en écrivant ces lignes. Il aura fallu quelque quarante années, ou presque, pour que l'empereur Julien devienne un de mes héros. Déjà, c'est lors de mon passage à l'École Normale que je me suis envoûté à la lecture de "La Sorcière" de Jules Michelet ; une lecture qui m'a exalté et convaincu du caractère scélérat de cette religion que je décidai de quitter pour une autre aventure spirituelle, celle du païen que j'allais devenir, peut-être jusque dans la mort. Mon collègue de chambrée, Philippe n'aurait pas pu mieux me conseiller que de m'intéresser à ce livre ; mon parcours en devenait plus sûr encore ; mon sentiment et mon âme tout à la fois s'élançaient sur la route qui est la mienne aujourd'hui.
Le dieu des chrétiens n'en a pas pour autant déclaré forfait quand, écrasé de charges financières et perdu dans la jungle de la recherche d'emploi à l'aube de mes 27 ans, je me suis senti comme en devoir de me rapprocher de cette religion que j'avais pourtant décidé de quitter, de ses cathédrales que j'admire encore, et de son culte marial en lequel je voyais une continuité du culte de la déesse mère. J'ai fini par comprendre que mon inconscient n'était que trop soudé à un autre, plus collectif celui-là, celui d'une culture marquée par deux mille années de dictature chrétienne. C'est terminé.
Mes dieux sont autres aujourd'hui. Les chrétiens catholiques sont des païens polythéistes et idolâtres qui s'ignorent. Je suis allé plus loin qu'eux en reconnaissant d'autres dieux plus remarquables et admirables que leurs "saints" dont la plupart se sont comportés comme des barbares à l'égard des païens, ce que les "contes-pas-de-fées" des catéchismes ne disent pas, et cachent odieusement aux âmes contraintes de croire au paradis et à l'enfer. Dût le Vatican s'amender et reconnaître les exagérations des catéchistes, ainsi que le mal causé aux peuples des vieilles religions, des siècles durant, suite à la proclamation de l'Ibérique Théodose Premier en 393, le christianisme, qu'il soit romain, réformé ou évangélique, restera loin de moi. Je le maintiendrai à distance et le regarderai de loin en me mettant sous la protection de mes dieux.
Désormais libéré des peurs inspirées par cette religion néfaste, je peux considérer différemment le symbole de mort qu'elle aura voulu imposer à ses fidèles : un homme - qui s'est déclaré "dieu-lui-même" - crucifié et mort dans d'atroces souffrances. Je crois que quiconque est un scélérat s'il estime que c'est de bon aloi de ressembler à cet homme, un imposteur parmi d'autres, très probablement, dont l'objectif a été de sabrer les fondements d'une autre religion sans doute elle aussi contestable. Je crois que quiconque s'offusquerait de mon regard ne fût qu'un idiot ou un imposteur lui aussi. Je crois que la "révélation" que le christianisme est supposé avoir apportée à l'humanité n'est redevable qu'à une évolution naturelle du genre humain ; il n'y a pour s'en convaincre qu'à évoquer les exactions (horreurs !) commises par les ordre religieux à l'endroit des païens et autres dissidents. Bûchers où on brûle vivant, vierges de fer, brodequins et autres instruments de tortures qu'ils infligèrent à ceux et celles qui ne pensaient pas comme eux. Le christianisme n'est pour rien dans la volonté de l'humanité de s'émanciper de la guerre et de la domination brutale. L'humanité n'a aucunement besoin du dieu des chrétiens, et pas davantage de celui des musulmans ou de celui ou de ceux des autres pour s'affranchir d'une bestialité mortifère.
Je n'aime pas la religion, les religions. Cela signale mon rapport au groupe, à la société, ses structures, ses besoins dévorateurs d'individualités et de différences qui l'inquiètent. Les religiosités, tout hétérodoxes qu'elles puissent être, ne sont pas du goût des sociétés post-industrielles, ni celles qui ont avec plus ou moins de bonheur contribué à leur avènement, incapables de coexister avec les premières. La relation magique avec les plantes et autres symboles également hétérodoxes passent trop volontiers pour de la superstition. On comprendra que des concessions faites aux sciences de la physique ont permis au christianisme de se faire agréer malgré tout par un monde occidental dont les mentalités étaient en constant progrès. Mais cette religion est en train, par la voix de quelques histrions paranoïaques, d'opposer un défi à la raison en tentant la rediffusion de la doctrine créationniste, de concert avec un Islam décidé à restaurer une justice dont le socle la est loi coranique.
Ces postures redeviennent des menaces permanentes qui pèsent désormais - encore et à nouveau - sur la liberté de croire et de penser. Ces religions, en l'espèce furieusement monothéistes, n'ont de cesse à vouloir jeter l'ombre de la stupidité sur des masses déjà intellectuellement appauvries.
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