Xavier, Adrien

Classé dans : Littérature - Mots clés : aucun


Xanax, officiellement Xavier Anaxagoras, venait d’une petite localité au nord d’Horizon Ouest. À huit ans déjà il jouait de la guitare offerte par son père adoptif, un expert en informatique doué en intelligence artificielle. À dix-sept ans il maîtrisait le piano. Ses études universitaires l’avaient amené à s’installer à Horizon Ouest pour se spécialiser dans la régie son et lumière et la production de musique électronique. C’est en mixant de la techno dans des soirées étudiantes qu’il avait découvert sa passion pour le DJing ; il se lançait plus tard dans l'organisation d'événements underground qui firent la chronique. Titulaire de son diplôme, il se fit rapidement un nom qui lui valut d’être l’intermittent le plus demandé par « La Ligne De Fuite » où son style nourri de son talent à lire et interpréter les rassemblements de danseurs en attirait des milliers. S’il eût pu revendiquer être le pilier sur lequel reposait le succès de cette caverne du plaisir, Xavier donnait aussi de son temps pour offrir des cours de musique aux enfants défavorisés de ces quartiers d’Horizon Ouest que le directoire de la ville laissait se dégrader.

Très peu de gens savaient, et pour cause, qu’il était aussi le pilastre pensant d’un réseau souterrain de hackers investis dans la prise de contrôle d’androïdes chargés de la collecte de toutes sortes d’objets et d’encombrants dont les gens se débarrassaient sur les voies publiques, ce qui présentait le double intérêt de récupérer et réhabiliter du mobilier et autres utilitaires, profiter de corrompre ces robots pour en faire des machines capables d’espionner des personnes identifiées comme devant être fichées et parfois même éliminées ou tout au contraire repérées pour contribuer aux activités du collectif, fût-ce à leur corps défendant.

 

La rencontre avec Adrien lors d'un festival techno datait de quelques semaines seulement. Les deux hommes avaient rapidement sympathisé en raison de leurs passions communes, musique électronique, technologies de l'information. Pas seulement. Ni l'un ni l'autre en effet n'aurait imaginé un jour éprouver une exaltation inhabituelle d’être ensemble ni même l’impatience de se revoir quand ils ne l’étaient pas. Ça ne devait pas se savoir, c’était risquer des complications. L’intensité de leur attraction mutuelle pût se remarquer jusqu’à devenir palpable au point de dénoncer la nature peu ordinaire de ce qui pour eux allait sans cesse plus au-delà d’une amitié, même profonde, qu’il leur apparaissait toujours plus nécessaire de couvrir par le sceau du secret.

Un désir aussi soudain oblige à reconsidérer tout ce qu’on a pu croire de soi, sur soi, d’éprouver l’inconfort d’être un autre, d’être ou n’être pas celui qui surgit, qu’on ne connaissait pas ou ne voulait pas connaître. Il est présomptueux d’imaginer pouvoir contrôler des pulsions sauf peut-être celles qui tendent à souhaiter la mort d’un ennemi voire de passer à l’acte. Adrien savait cela comme le savent la plupart des psychonautes. L’étude des sciences occultes est aussi un chemin conduisant à la connaissance de soi. Jamais il n’eut envie d’user de magie pour faire passer quiconque de vie à trépas. Ce soir-là l’idée ne lui vint pas davantage de refouler cette image déconcertante de lui-même dans des abîmes de l’inconscient, en ce qu’il considérait sa survenue comme la réverbération de son cheminement complexe. Adrien s’efforçait de comprendre que ce qu’il éprouvait n’était pas réductible à des artefacts produits par des pensées inquiètes, qu’il s’agissait plutôt de fantasmes que sa psyché repoussait loin de sa conscience, reflets de sa nature profonde, en mouvement. Un défi s’imposait désormais, devoir apprivoiser cet autre qui venait de se révéler, devoir se connaître mieux, puisque cet autre était une partie de lui.

Lorsqu’ils se retrouvaient chez Adrien, ils se garantissaient que le moins de monde possible pût les observer. Il fut tenu pour hors de question toute confidence à des proches qu’une maladresse amenât à ouvrir une boîte de Pandore, suscitant sans y prendre garde des rumeurs, que nombre de gens eussent pour certains, sciemment rendues malsaines, dans l’intention assumée de nuire. Des rumeurs circulaient sur la sensibilité très libertaire de Xavier; celui-ci s’en serait voulu de mettre en danger l’homme dont l’absence le faisait languir. Cela lui paraissait une nécessité absolue du fait de la possible surveillance dont il pourrait faire l’objet. Ce n’était pas tant le risque de passer pour des homosexuels, le tiers au moins des mâles d’Horizon Ouest l’étaient. Il s’agissait surtout de l’ambiance tendue qui régnait partout dans la ville depuis que des androïdes s’en étaient pris à des fonctionnaires, conduisant le directoire à réagir par un renforcement du dispositif de contrôle des comportements. Si le piratage des caméras de surveillance qui pullulaient dans les moindres recoins de la ville restait pour Xavier une espièglerie facile et presque quotidienne, il n’en allait pas de même avec les androïdes qui en étaient forcément équipés, encore moins avec les gens. Tout le monde s’épiait, quelles que fussent les motivations, en particulier politiques. 



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